« Au secours, mon enfant ne mange pas ! »

 

Cette phrase, que j’entends régulièrement dans mon cabinet, prononcée par des parents désespérés de comprendre leur enfant, continue parfois, encore aujourd’hui, de faire débat. Un enfant qui ne mange pas est un enfant capricieux, un enfant difficile, un enfant roi… Tels ont été les « diagnostics » posés pendant de nombreuses années sur les difficultés de ces enfants.

Heureusement depuis maintenant plusieurs années est apparu le diagnostic de trouble
alimentaire pédiatrique (TAP), auparavant appelé trouble de l’oralité alimentaire (TOA) ou encore syndrome de dysoralité sensorielle (SDS).

Mais qu’est-ce qu’un trouble alimentaire pédiatrique ?

Un trouble alimentaire pédiatrique se caractérise par des difficultés à s’alimenter par la
bouche, ces difficultés ne permettant pas de garantir un bon développement. Le nourrisson, l’enfant, parfois l’adulte, ne mange pas en quantité suffisante et/ou n’a pas un large éventail d’aliments à son répertoire alimentaire (Goday et al., 2019).

Les difficultés peuvent être présentes dès les premiers instants de vie du nourrisson ou se
révéler lors de la diversification alimentaire.

Oui mais alors pourquoi mon enfant ne mange pas ?

L’alimentation repose sur quatre piliers développementaux (E. Levavasseur, Prise en charge
précoce des difficultés alimentaires chez l’enfant dit « tout-venant » ou « vulnérable », 2017) :

  • un pilier organique,
  • un pilier environnemental,
  •  un pilier sensoriel,
  • un pilier moteur et gnoso-praxique.

Chacun de ces piliers peut présenter des dysfonctionnements causant chez l’enfant un trouble alimentaire pédiatrique.

A titre d’exemple voici quelques dysfonctionnements possibles pour chaque domaine de
développement :

Pilier organique :

  • pathologies digestives (RGO, …),
  • pathologies respiratoires (asthme, bronchiolite, …),
  • pathologies ORL (amygdales hypertrophiées, …),
  • malformations congénitales,
  • frein restrictif buccal.

Pilier environnemental :

  • propositions par la famille, épigénétique (E. Levavasseur, Prise en charge précoce des difficultés alimentaires chez l’enfant dit « tout-venant » ou « vulnérable », 2017) :
    l’environnement va influencer le développement de l’enfant
  • causes traumatiques (sonde naso-gastrique, …)

Pilier sensoriel :

  • hypersensibilité sensorielle : la sensibilité (au niveau de la bouche et/ou du corps) est exacerbée, parfois tellement que c’en est douloureux pour l’enfant
  • vs. hyposensibilité sensorielle : la sensibilité (au niveau de la bouche et/ou du corps) est amoindrie, l’enfant est en recherche sensorielle constante.

Pilier moteur :

  • manque de tonus ou au contraire corps exagérément tonique,
  • dysfonctionnement des muscles de la bouche (empêchant une bonne succion, une bonne
    mastication et/ou une bonne articulation),
  • trouble développemental de la coordination, …

On retrouve également, la prématurité, les pathologies neurologiques, …

Quels sont les signes d'alertes ?

Un trouble alimentaire pédiatrique peut se manifester sous différentes formes en fonction de
l’origine du trouble et de l’adaptation de l’environnement. On peut observer chez l’enfant :

  • une absence d’appétence orale, un désintérêt pour l’alimentation,
  • un refus alimentaire (qui peut se porter sur les morceaux, sur certaines textures, certaines
    couleurs, …),
  • une sélectivité alimentaire importante (qui peut se porter sur les morceaux, sur certaines textures, certaines couleurs, …),
  • un haut-le-coeur, voire des vomissements (avant, pendant, et/ou après le repas),
  • des fausse-routes (toux pendant le repas, et/ou après le repas),
  • des résidus alimentaires au niveau de la bouche, du visage, du larynx,
  • des difficultés de succion ou de mastication,
  • des conduites d’évitement (l’enfant chercher à détourner l’attention, ne manifeste pas sa faim, ne reste pas à table, ne regarde pas la nourriture, etc),
  • une durée des repas allongée (+ de 30 min),
  • une cassure dans sa courbe de poids,
  • l’utilisation d’outils inappropriés pour l’âge (exemple : un enfant qui ne peut pas boire au verre à 4 ans),
  • un comportement qui consiste à recracher les aliments mis en bouche ou à garder
    indéfiniment les aliments en bouche.

On peut également observer :

  • La mise en place de stratégies parentales
  • Le repas devient un moment conflictuel pour la famille, angoissant pour l’enfant, pour ses parents.

Que faire face aux difficultés de mon enfant ?

Face à des soupçons de trouble alimentaire pédiatrique, il est important de consulter
rapidement un pédiatre qui orientera la famille vers un professionnel de la santé formé, qui peut être : un orthophoniste, un kinésithérapeute, un ORL, un gastroentérologue, un psychomotricien, un diététicien, un psychologue, un ergothérapeute, un ostéopathe, …, en fonction des difficultés propres de l’enfant.

En attendant d’avoir pu rencontrer l’un.e de ces professionnels, il sera important de ne pas
forcer l’enfant à manger. Il sera important de l’accompagner dans sa découverte alimentaire en lui proposant de goûter et en le laissant explorer sa nourriture (avec ses doigts, son visage, une cuillère, …). Dans l’idéal les repas devraient se partager en famille et se dérouler dans un endroit calme (pas de télévision pendant le repas par exemple). Il sera pertinent de toujours valoriser l’enfant dans ses expérimentations, en utilisant un langage positif, tout comme il sera essentiel de verbaliser de manière bienveillante ses difficultés.

En quoi consiste le travail de l’orthophoniste dans ce cas-là ?

Grâce à l’ordonnance de votre médecin, l’orthophoniste va effectuer un bilan afin de cibler
les difficultés de votre enfant et de dégager des pistes de prise en soin pour vous venir en aide.

A la suite de ce bilan, l’orthophoniste pourra peut-être vous orienter vers d’autres professionnels pour une prise en soin pluridisciplinaire du trouble. Il/elle fixera également des objectifs à plus ou moins long terme.

Le travail orthophonique sera adapté aux besoins de votre enfant.

Il pourra se traduire par une prise en soin motrice. L’orthophoniste cherchera à travailler la
sphère oro-motrice (les muscles de la bouche) de l’enfant en tonifiant et en mobilisant les muscles du visage, des lèvres, des joues, de la langue et du voile du palais, en stimulant la succion chez le nourrisson.

Cela pourra également passer par une prise en soin sensorielle. Il s’agira ici de désensibiliser la bouche dans le cas d’une hypersensibilité ou de sensibiliser sa bouche dans le cas d’une hyposensibilité, par des massages notamment.

Une prise en soin comportementale pourra être complémentaire, afin de mettre le patient
en confiance, de le réconcilier avec la nourriture, de lui apprendre à toucher, à sentir, avant de goûter, …

Enfin l’orthophoniste veillera à mettre en place un partenariat parental pour permettre à vous, parents, de comprendre les difficultés de votre enfant. Il pourra également s’agir de réfléchir ensemble à la manière d’adapter l’environnement du repas, de rectifier la posture et l’installation au moment du repas.

L’orthophoniste peut intervenir dès les premiers jours de vie du nourrisson en cas de difficulté à l’allaitement, et/ou de difficulté de succion par exemple.

 

En espérant que cet article ait pu répondre à certaines de vos questions,

N’hésitez pas à relever les imprécisions et à compléter ces propos dans les commentaires.

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